Les « spectateurs » ont constitué, tout au long du XVIIIe siècle, un phénomène journalistique d’une extraordinaire vitalité. Des dizaines de périodiques se sont inspirés, en France, du Spectator de Steele et Addison, qui venait de connaître en Angleterre un succès sans précédent dans l’histoire de la presse. Le Spectateur français de Marivaux est le seul de ces journaux dont l’audience dépasse aujourd’hui le cercle des spécialistes. Ces périodiques oubliés méritent pourtant d’être redécouverts. Qu’ils se baptisent «censeur», «misanthrope», «spectatrice», «spectateur suisse» ou «inconnu», les auteurs de ces feuilles volantes ont largement contribué à renouveler le ton du journalisme littéraire. Les trois périodiques de Marivaux occupent, bien entendu, une place centrale dans l’histoire de ces journaux. Mais, aux yeux mêmes de ses confrères, l’auteur du Spectateur français est demeuré un modèle insaisissable, trop singulier pour être vraiment imité. C’est la naissance de ce «monde des spectateurs», dominé par la figure inclassable de Marivaux, que cet ouvrage tente de raconter.